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au service du Pastoralisme

CONFERENCE INTERNATIONALE, N’DJAMENA, 2-4 OCTOBRE 2024

Du 2 au 4 octobre 2024 s’est tenue à l’hôtel Amitié de N’Djamena la conférence agriculture, élevage et aires protégées au Tchad. Elle a été organisée par les partenaires du consortium DESIRA-ACCEPT – notamment l’Institut de Recherche en Elevage pour le Développement (IRED), la Plateforme Pastorale du Tchad (PPT) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD). Ils ont été appuyés par les organisations professionnelles de producteurs et de nombreux partenaires techniques et financiers comme l’UE, la GIZ, l’Ambassade de France, le PFBC, la FAO, l’APN, le WCS, CONCORDIS, HD Centre, des projets actuellement en cours au Tchad (PREPAS, PETRA) ainsi que des institutions de recherche (IRD, Université de N’Djamena).

La conférence avait pour thème : « Agriculture, pastoralisme et aires protégées : tensions et solutions pour l’avenir des territoires ruraux en Afrique centrale et au Sahel ». Elle a regroupé plus de 175 participants en provenance de nombreux pays d’Afrique Centrale, d’Afrique de l’Ouest, mais aussi d’Afrique de l’Est et d’Europe. Ces participants ont échangé autour de 52 communications scientifiques, 14 posters, 2 table-rondes et un film thématique « les eaux de la discorde » qui a été projeté en lever de rideau dans la soirée du 1er octobre. L’événement a été aussi marqué par le lancement d’un nouveau projet régional « Borderlands » par Concordis et HD Centre ainsi que l’atelier technique des blocs du Partenariat Pour les Forêts du Bassin du Congo (PFBC). Ces deux manifestations font cependant l’objet de rapports séparés.

La cérémonie d’ouverture a été présidée le mercredi 02 octobre 2024 par le Ministre de l’Elevage et de la Production Animale, Pr. Abderahim Awat Atteib, en présence du Ministre en charge de l’Agriculture M. Keda Balla. Plusieurs interventions ont meublé la cérémonie notamment le mot de bienvenue du Président du comité d’organisation le Pr. Koussou Mian-Oudanang qui a remercié les partenaires qui ont soutenu l’organisation de la conférence et souhaité un bon séjour aux participants venus de près et de loin pour contribuer par leurs réflexions à la réussite de l’événement. La Représentante des Partenaires Techniques et Financiers (PTF), Mme Adela Rodenas Rodriguez a ensuite rassuré que l’Union européenne et l’ensemble des PTF étaient intéressés par les résultats et les recommandations qui sortaient de la conférence, en vue de leur mise en application ou de leur mise à l’échelle.

Ouvrant les travaux, le Ministre de l’Elevage et de la Production Animale, Pr. Abderahim Awat Atteib a souligné que l’élevage, l’agriculture et aires protégées entrent souvent en conflit car partageant le même espace qui se rétréci sous l’effet de plusieurs facteurs dont le changement climatique. En remerciant au nom du gouvernement le projet ACCEPT et ses partenaires techniques et financiers, il a exprimé le vœu que les résultats issus des travaux débouchent sur des propositions claires pour la valorisation économique et sociale des aires protégées et des espaces agropastoraux.

LES SESSIONS PLENIERES

  • Note de cadrage du Comité Scientifique  présentée par Guillaume Duteurtre.
  • Communication « Les difficultés rencontrées par les éleveurs transhumants en début de saison des pluies lors de leur remontée du Salamat vers le nord : entre continuité des pratiques spatiales et changement d’itinéraires »  présentée par Ali Brahim Bechir.
  • Communication “Partnering with agropastoral and transhumance communities on biodiversity conservation across the Sudano-Sahel region: Lessons learned, innovations and next steps”  présentée par Agger Kasper.
  • Communication « Transhumants et gestionnaires des aires protégées : mieux se comprendre pour une gestion durable des milieux naturels : Une analyse croisée à partir de quelques travaux de l’Iram au Tchad, en Côte d’Ivoire et en RDC » présentée par Bernard Bonnet et Rachel Effantin-Touyer.
  • Communication intitulée : “NGO-Led Community-Based Conservation: A New Frontier of Territorialization with Implications for Pastoralists’ Land Tenure and Climate Change Adaptation in Kenya” présentée par Jackson Wachira Waiganjo.

Résumé des échanges sur les contributions ci-haut :

  • Les tensions sont en effet prégnantes et s’intensifient,
  • Elles méritent une meilleure compréhension de la part des chercheurs et praticiens,
  • Des innovations apparaissent dans la gestion des interfaces entre pastoralisme et aires protégées, et elles méritent à être mises à l’échelle. Il serait donc important d’identifier les nouvelles interventions et communautés de pratiques dans lesquelles les inscrire,
  • La disponibilité des données s’avère cruciale ; elles permettront de planifier, agir et garder en mémoire les expériences réussies grâce à des dispositifs institutionnels adaptés, entre autres sous forme d’observatoires.

LES SESSIONS PARALLELES

Evolutions des activités agropastorales et des démarches de conservation

Sous-thème « Ressources pastorales et conservation »

Les communications suivantes ont marqué cette session :

Communication « Dynamique des feux de végétation dans les Aires Protégées Africaines : cas des Parcs Nationaux et Réserves de faune du Tchad. » présentée par Akodewu Ahmah et al.

Communication « Evaluation de l’impact des Aires Protégées sur la couverture ligneuse des paysages sahéliens : approche par télédétection.» présentée par Fassinou Cofelas et al.

Communication « Connectivité espace agropastorale et aires protégées : opportunité pour une conservation durable de la biodiversité en Afrique de l’Ouest » présentée par Ilboudo Basnewendé et al.

Communication « Comment survivent les pasteurs nomades face aux entraves à leur mobilité ? Cas des chameliers de la zone périurbaine de N’Djaména et du Département de Fitri » présentée par Mahamat Ahmat Mahamat Amine

Communication  « Néo-éleveurs et reconfiguration socioéconomiques dans le Mayo-Kebbi : quelles tensions sur les ressources » présenté par Boukar Chetima

A l’issue des différentes communications, la séance de questions/réponses a permis de répondre à certaines préoccupations portant sur : les modalités pour mieux cerner le concept de « néo-éleveurs » et éventuellement les dynamiques nouvelles que ces nouveaux types d’acteurs apportent, la perception des acteurs face aux feux de brousse ; les modalités pour les politiques publiques de gérer la situation des éleveurs qui trouvent refuge dans les aires protégées pendant la saison des pluies.

Sous-thème « Le Tchad »

Les présentations suivantes ont marqué cette session :

  • « Agropastoralisme et dégradation des aires protégées de Sena-Oura et de Zah-Soo dans le Sud du Tchad (2010-2022)» par Massana Doum Esaïe.
  • « Pastoralisme en quête de parcours en savane tchadienne. Des Peuls autour de la Forêt Classée de Yamba Berté» par Sougnabe Pabamé.
  • « Une collaboration entre structure d’appui au pastoralisme et organisations de conservation des aires protégées au Tchad : démarche et enseignement» par Djimadoum Djialta.
  • « De l’apaisement à la sécurisation des transhumances : assurer un futur désirable autour des aires protégées aux pasteurs nomades : le cas des Peuls au sud du Salamat» par Chloé Violon.

Sous-thème « Afrique de l’Ouest et Afrique centrale »

Cette session a été marquée par les présentations suivantes :

  • Communication « Analyse d’un conflit pastoral entre éleveurs transhumants et gestionnaires du Parc National du Mbam et Djerem (Adamaoua-Cameroun)», présentée par Mvu Nguofeyuom Njoya Marie.
  • Communication « Gestion forestière dans la série de développement communautaire de l’UFA Pokola (République du Congo) : usages et défis à relever pour une gestion durable » présentée par Ngalekoua Abdias Rodias Paul.
  • Communication « Espaces vulnérables, espaces de vulnérabilité : aire protégées et pastoralisme au Nord de la Côte d’Ivoire » présentée par Pegurri Toni-Giovanni.
  • Communication « Impacts des activités anthropiques sur la faune et flore du Parc National du Faro (Nord-Cameroun) : quelles solutions pour une conservation durable ? » présentée par Sohbe Djidim Nestor.

Solutions techniques pour la production agropastorale et la conservation de la biodiversité

Cinq communications ont été délivrées dans cette session :

Communication « La co-construction des outils d’aide à la décision (OAD) pour une approche multi-usage des ressources pastorales et agroforestières » par Ousman Ahmat Hadji.

Communication « Approche d’analyse des niches d’innovation : réflexion à partir de la méthode de Repérage des Innovations Responsables basées sur la durabilité des ressources naturelles (RIRes) au Nord Cameroun » par Siéwé Pougoué.

Communication « Gestion communautaire de la transhumance au Nord-Cameroun : rôle de l’innovation et des services support à l’innovation » par Ann de Grande.

Communication « Apports des outils d’observation de la terre pour le suivi des activités de transhumance transfrontalière : cas des géo-services » par Florence Palla.

Communication « Conservation du paysage basée sur la gestion de la transhumance et la planification territoriale : Cas de l’Aire de Conservation de Chinko » par Hissein Abakar Zaid.

Enjeux de la gouvernance et de la co-construction de l’avenir des territoires ruraux

Sous-thème « Tchad-Cameroun-RCA »

Cette session a enregistré les communications suivantes :

  • Communication « Les conflits liés à l’accès aux ressources naturelles dans le département du Fitri : typologie, acteurs, facteurs aggravants et perspectives » présentée par Haiwang Djaklessam.
  • Communication « Stratégies de cohabitation entre la conservation et l’agropastoralisme, cas du Parc National de Zah-Soo au Tchad » présentée par Lambert Worgue Yemye.

Sous-thème « Tchad »

Les communications suivantes ont été délivrées au cours de cette session :

  • « Gérer les écosystèmes du Grand Zakouma : les défis de la planification », par Babakar Matar Bremeh.
  • « Le Parc national de Siniaka Minia et les éleveurs : Du conflit à la gestion concertée de la transhumance » par Fekoua Baudin.
  • « Conservation, agro-pastoralisme et contexte de marge : le cas de l’Aouk » par Ronan Mugelé.
  • « Positionnement des communautés locales et enjeux d’aménagement face au projet de réhabilitation de la réserve de faune de Mandelia » par Koffi Alinon.
  • « La brousse qui attaque : Une analyse politique d’installation d’une Aire Protégée dans la zone de Binder (Tchad) » par Bruno Allahissem.

 

LES TABLES-RONDES

Table-ronde « Expériences terrain »

Cette table ronde a servi de cadre au partage d’expériences tirées des situations ancrées dans les territoires, au plus près des réalités du terrain, de la part des acteurs locaux qui, experts ou praticiens, interviennent de près ou de loin dans le domaine de la conservation de la nature et/ou des initiatives en appui au développement agropastoral.

Les participants étaient :

  • Tumal Orto Galdibe, Chairperson of the Kenya Pastoralists Association;
  • Djimassinan Naidayam, Conservateur du Parc National de Manda ;
  • Lubunga Muhambikwa Luc, Wild Chimpanzee Founfation (WCF) – Guinée
  • Dr Acherif Hamid Zagalo, Membre Jeunes ambassadeurs du Réseau Billital Maroobe (RBM) et de la Plateforme Pastorale du Tchad (PPT).

Des points de convergence ont émergé des discussions notamment : la diversité des situations locales ; la stratégie appropriée serait de faire travailler ensemble les populations et les autorités ; ceci restant valable pour la conservation comme pour l’agropastoralisme. Aux tensions locales doivent correspondre des solutions locales. Il est cependant important aussi de penser les changements en cours à l’échelle régionale.

Il existe aussi des points de divergence : la stratégie serait pour plus ou moins de Partenariats Public-Privé ? Le rôle final des Etats, les retombées de parcs, la problématique des néo éleveurs ?

Table-ronde Partenaires Techniques et Financiers (PTF) et Décideurs politiques

Elle a regroupé :

  • Haroun Moussa, conseiller à la Présidence de la République du Tchad,
  • Philippe Chedanne, Directeur de l’Agence Française de Développement au Tchad,
  • Mme Koubra Goudja, de la Délégation de l’Union Européenne à N’Djamena,
  • Germain Edou Edou, Directeur des Etudes Economiques, de la Planification et des Echanges à la Commission Economique du Bétail, de la Viande et des Ressources Halieutiques (CEBEVIRHA).

Les institutions représentées ont salué l’organisation de cette conférence et ont présenté leurs apports pour le processus de transformation des pratiques agropastorales pour les adapter aux défis environnementaux de l’heure. La complexité des enjeux incite à se départir des approches uniquement sectorielles et à dimensionner les interventions sur la cohérence des territoires avec le renforcement des chaines de valeurs en misant sur les acteurs comme la société civile et le secteur privé qui devrait aussi être associé à des rencontres comme la présente conférence.

Les décideurs politiques sont quant à eux interpellés sur la persistance des conflits dont le règlement doit procéder de la connaissance de leurs causes profondes. Les gouverneurs et préfets sont ainsi sensibilisés à privilégier l’utilisation des voies de conciliation endogènes.

LES EVENEMENTS PARALLELES

Panel sur Pastoralismeet biodiversité:  Naviguer dans la conservation et les moyens de subsistance après la Déclaration de N’Djamena

Cet événement a été organisé le vendredi 4 octobre dans la matinée par la GIZ et le PFBC. Il a été marqué par les interventions de Dr Florance Pala, Coordonnatrice du Projet d’appui institutionnelle à l’observatoire des Forêts d’Afrique centrale (OFAC) ; Bertille Mayen , Consultant en appui au partenariat pour les forêts du bassin Congo ; Christophe Ducastel, Chargé de mission chez AFD ; Zika Monkaila, Expert en Agropastoralisme de la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT) ; Evele Karkou, Président du Tribunal des Grandes Instances de Tcholiré sous la modération de Natlem Nadège, Coordonnatrice Régionale du GIZ/PETRA.

Les interactions avec le public ont porté sur les points suivants :

  • Les actions concrètes que mène la CBLT pour accompagner les autres acteurs dans la gestion de la transhumance dans le bassin du lac Tchad ;
  • Les mesures mises en œuvre pour informer les transhumants des effets des changements climatiques ;
  • Le mécanisme mis en œuvre pour assurer la sécurité des transhumants ;
  • Le niveau d’application des instruments mis à disposition par la CEBEVIRHA ;
  • La conciliation de la législation nationale et des mécanismes locaux de gestion des conflits dans le département du Rey-Bouba ;
  • L’établissement des actes de naissance aux enfants transhumants nés dans le département du Rey-Bouba ;
  • L’accompagnement de la recherche en lien avec la gestion des ressources naturelles, aires protégées.

Lancement du programme régional « Borderlands »

Au cours de la même matinée du vendredi 4 octobre, les ONG Concordis International et Centre pour le Dialogue Humanitaire ont organisé le lancement officiel de leur programme régional « Borderlands » ou autrement dit « Zones frontaliers pacifiques ». Ce projet, mis en œuvre avec le soutien financier de l’Union Européenne, a pour objectif de contribuer à la diminution de la conflictualité locale le long des routes de transhumance transfrontalières et à l’amélioration durable de la gouvernance locale, nationale et sous-régionale de la transhumance en tenant compte des impératifs de conservation. Le projet couvre la République centrafricaine, le Tchad, le Cameroun et le Soudan et va durer 4 ans.

Après une présentation de la logique de l’interventions, ils ont décrit les objectifs et ébaucher les principales activités qui seront mises en œuvre dans une logique de nexus conservation/paix-sécurité/pastoralisme. L’assistance s’est beaucoup réjouit du lancement de ce nouveau programme et a insisté sur la nécessité de synergie avec les initiatives déjà existantes sur la gouvernance des ressources agropastorales transfrontalières.

Cérémonie de clôture

Une cérémonie de clôture a marqué la fin de la conférence l’après-midi du vendredi 4 octobre. Elle a été présidée par le Ministre en charge de l’Agriculture M. Keda Balla exerçant l’intérim du Ministre de l’Environnement. C’était en présence de la Représentante des Partenaires Techniques et Financiers (PTF), Mme Adela Rodenas Rodriguez de la Délégation de l’Union Européenne et du Ministre de l’Elevage et de la Production Animale, Pr. Abderahim Awat Atteib.

Au cours de cette cérémonie, le Directeur Général de l’IRED, Dr Abdelaziz Arada Ezzedine dont l’institut fait partie des initiateurs de la conférence, a exprimé sa satisfaction d’avoir pu renforcer son réseau d’échange avec les chercheurs venus de tous horizons et d’avoir établi des passerelles pour des initiatives de recherches communes sur la planification territoriale pour intégrer agriculture, pastoralisme et aires protégées.

Enfin le Ministre de l’Agriculture M. Keda Balla a officiellement mis fin aux travaux de la conférence avec l’espoir de voir les recommandations être mises en œuvre.

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